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marcie

royal. C’est grand dommage que vous n’ayez ni cerfs ni chevreuils ; on dit que l’Île de France en regorge.

— Nous avons la vieille chasse créole, le cabri marron. Tu verras bientôt, chevalier, que cela vaut la peine de faire un tour dans la montagne. En attendant, si tu veux tirer aux merles et aux pieds-jaunes, tu n’as qu’à le dire. Voici Job qui s’y connaît et qui nous mènera aux bons endroits.

— À vos ordres, mon oncle ; mais ne viendrez-vous point avec nous, Marcie ?

— Non, non, Louis, dit la jeune fille en sautant à bas de son cheval ; je resterai ici avec Rite. Allez tous deux, faites bonne chasse, et ne m’oubliez pas tout à fait.

Le marquis et son neveu s’éloignèrent sur les pas de Job qui frayait le chemin. Marcie les suivit du regard jusqu’à ce qu’ils eussent disparu sous les feuilles et s’assit sur la mousse, tandis que Rite, jeune négresse de quinze à seize ans, aux yeux brillants, aux belles dents étincelantes, s’amusait à courir autour de sa maîtresse en cueillant des cascavelles et des fleurs de lianes.

« Être jeune, belle, aimée, c’est le bonheur, pensait Marcie, et ce bonheur est le mien. Que puis-je désirer ? Quel rêve puis-je former qui ne soit aussitôt exaucé ? Mon mariage sera aussi heureux que ma jeunesse aura été douce et calme. Louis a un noble cœur ; il m’aime. Mon père est plein de santé et