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dianora


— Vous avez bien jugé, seigneur, et je vous suis reconnaissante de ne m’avoir point oubliée dans ma détresse.

— Pourquoi vous êtes-vous retirée de la maison de mon frère, chère soeur ?

— Elle me rappelait trop cruellement celui que je pleurerai toujours, seigneur Lorenzo.

— Ne seriez-vous pas désireuse de savoir jusqu’à quel point il vous aimait ? J’ai à vous faire un présent dont il se réjouira dans sa tombe lointaine, si toutefois il ne vit plus.

— Ah ! seigneur, qu’est-ce donc ? Donnez, donnez, ce souvenir me sera bien cher.

— Le voici, dit Lorenzo, en posant sur les genoux de Dianora la tête sanglante de Puccinelli.

Elle prit cette tête à deux mains, pâle, égarée, ne pouvant parler, la reconnut, poussa un horrible cri de désespoir et tomba à la renverse comme un cadavre.

Lorenzo lui jeta un long regard de haine et de mépris, et sortit. On ne le revit plus à Lucques, car il se retira à Venise, où il mourut quelques années après.

Ainsi finit la chronique de la belle Dianora de Castracani. Elle se retira chez un des parents de son père, nommé Antonio de Castracani, et qui était chanoine de l’église