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dianora

mais avec toute la science qui eût été déployée dans un combat à armes courtoises. Cependant ce sang-froid ne pouvait durer. Une atteinte légère que reçut Puccinelli, dont le caractère était plus emporté que celui de Bonaccorso tira le premier celui-ci de sa réserve prudente. Il engagea plus vivement le combat, et toucha Bonaccorso à l’épaule ; mais la parade tardive et d’autant plus violente de ce dernier brisa l’épée de Puccinelli par la moitié. Le gentilhomme à demi désarmé fit un bond en arrière. Cenami s’arrêta un instant et lui dit :

— C’est le jugement de Dieu, Pierre. Prépare-toi à mourir.

— Viens donc ! répondit Puccinelli avec un cri féroce. Tout n’est pas fini.

La lutte recommença en silence, mais avec fureur. La longue épée de Bonaccorso frappa dix fois Puccinelli, qui rugissait de rage. Aucune de ces blessures n’était cependant assez grave pour l’abattre. Le désespoir le prit à la gorge, le sang lui obscurcit les yeux ; il se précipita tête baissée, s’enferra le bras droit, et plongea à deux reprises le tronçon de son arme dans la poitrine du malheureux Bonaccorso, qui expira sur-le-champ.

Durant toute la lutte, Dianora était restée immobile, pâle et les bras croisés, dans un coin de l’appartement ; mais, dès la mort de son mari, elle s’élança vers son amant qui