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dianora

D’autre part, notre amour sera coupable, tant que Bonaccorso vivra.

— Le traître ! murmura Puccinelli qui, à ce nom, sentit renaître toute sa colère ; il ne m’échappera point toujours.

— Voici l’heure de nous séparer, dit la jeune femme. Adieu, Pierre ; je vous aime.

— Adieu, chère dame ; je meurs d’amour pour vous. À demain soir.

Ils se quittèrent ; mais Puccinelli resta longtemps immobile et songeur à l’ombre du pilier, prenant soin toutefois de se couvrir la figure de son manteau, car il ne voulait pas être reconnu à Lucques. De mauvaises pensées le travaillaient, et les paroles de Dianora avaient jeté le germe du crime dans son cœur. Nous ne saurions dire quelles bonnes raisons elle lui avait données pour justifier son mariage, mais, à coup sûr, elle avait eu l’art de tout rejeter sur Bonaccorso, de sorte que la haine de Puccinelli s’en augmenta de toute la douleur que ce mariage lui avait causée. Depuis son retour de Pise, il habitait, à l’insu de sa famille, une petite maison délabrée à l’extérieur, mais propre et commode au dedans. Cette maison était située près la porte Saint-Pierre de Cigoli. C’est là que Dianora, grâce à ces mensonges multipliés auxquels les femmes sont si habiles, vint le trouver le lendemain et nombre de fois encore.