Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/156

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
dianora


Telle est l’opinion de notre chroniqueur ; nous la livrons au lecteur pour ce qu’elle vaut.

Le lendemain matin, sous prétexte de se rendre au tribunal de la pénitence, Dianora sortit seule et gagna l’église Saint-Martin, aussi prochaine de la maison de son mari que de celle de sa tante, comptant bien rencontrer Puccinelli derrière le pilier qu’elle lui avait indiqué, ce qui ne manqua pas d’arriver. L’église était déserte à cette heure matinale. Les deux amants purent s’entretenir en liberté et arrêter l’heure et le lieu de nouveaux rendez-vous. Au moment de quitter Puccinelli, Dianora lui dit :

— Ah ! Pierre, qu’avez-vous fait ? Si ce malheureux combat n’avait point eu lieu, vous auriez pu fléchir ma tante, et nous serions unis.

— Chère dame, répondit Puccinelli, vous m’en voyez au désespoir ; mais tout n’est pas perdu si vous m’aimez.

— Songez, reprit Dianora, combien je suis à plaindre ! Ma vie tout entière n’est-elle pas enchaînée à un homme que je hais ? La mort seule peut rompre mes nœuds.

— C’est à quoi je songeais, chère dame. Écoutez : fuyons cette ville, et allons cacher nos amours dans quelque autre pays.

— Il n’est point de remède à nos maux, Pierre. Vous ne pouvez consentir à ce que je perde ma bonne renommée.