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dianora

qui avez percé Bonaccorso d’un coup d’épée, sur la place Saint-Martin ?

— C’est moi. Que ne l’ai-je mieux frappé et plus à fond !

— Vous eûtes tort, en effet. Mais retirez-vous. Soyez demain, de grand matin, derrière le troisième pilier de la nef de Saint-Martin.

Cela dit, elle disparut derrière tes tentures, et Puccinelli s’éloigna. Dès cette heure, la destinée de Dianora fut décidée, car la vue de son amant avait réveillé dans son cœur toute la passion qui s’y était assoupie. Elle n’eut pas plutôt arrêté le dessein de trahir son mari, qu’elle commença de le mettre à exécution.

Ici, le chroniqueur italien, auquel nous devons le récit de ce drame, fait la réflexion suivante que nous traduisons littéralement : « Il en est ainsi, comme chacun sait, des femmes de notre Italie. Celles de France sont grandement fausses et inconstantes ; celles d’Allemagne froides et apathiques ; celles d’Angleterre romanesques ; mais les Italiennes sont d’un sang plus irritable ; elles détestent, elles aiment avec fureur. Il est aussi dangereux d’être leur amant que leur ennemi. Il n’est pas d’homme qui ait l’haleine assez longue pour porter jusqu’au bout le poids de leur haine ou de leur amour. Du reste, les hommes sages doivent éviter les femmes ; car, en général, ce ne sont point de bonnes créatures. »