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dianora

Mme Catherine jouissait de son ouvrage en bonne parente qu’elle était.

Un soir, fatiguée de danses et de propos galants, Dianora s’était accoudée sur une balustrade de pierre qui dominait la rue où s’élevait la maison des Cenami. Les tentures épaisses de la fenêtre étaient retombées derrière elle et assourdissaient le bruit de la fête. Depuis quelques minutes elle rêvait en silence, le front dans la main, quand une ombre sortit de l’angle d’une rue voisine, et, s’avançant vers elle, s’arrêta devant la maison. D’abord elle y fit peu d’attention ; mais la personne dont il s’agit écarta le manteau qui lui cachait la figure, et s’écria d’une voix contenue :

— Ah ! Madame, qui aurait pensé que vous me trahiriez ainsi !

La jeune femme se pencha vivement vers cette personne, et reconnut Pierre de Puccinelli. Elle étouffa un cri de surprise, et voulut se retirer aussitôt ; mais il reprit d’une voix agitée :

— Restez, Dianora, restez, au nom de Dieu ! et répondez-moi. Je ne sais ce qui me retient d’entrer dans cette maison maudite, et d’achever le traître que j’ai manqué une première fois.

— Plus bas, Pierre ! dit la jeune femme. C’est donc vous