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dianora


Quoique ces sortes d’aventures ne fussent pas rares à cette époque, où toutes les villes d’Italie étaient autant de champs ouverts aux mille querelles suscitées par les factions incessantes qui se détruisaient l’une l’autre, celle-ci ne laissa pas de faire beaucoup de bruit, tant à cause de la considération senérale dont on entourait les Cenami, que par le fait des belles qualités que chacun se plaisait à reconnaître chez Bonaccorso. La blessure qu’il avait reçue n’ayant attaqué aucune partie vitale, il en fut quitte pour rester trois mois au lit. En second lieu, comme il refusait obstinément, soit générosité, soit dédain, de nommer son meurtrier, Puccinelli ne fut point poursuivi. Mais l’ignorance des événements retint celui-ci, durant tout ce temps, à Pise, où il s’était réfugié.

On juge bien que Bonaccorso mit à profit l’absence forcée de son rival. Mme Catherine, qui l’avait toujours aimé, l’accueillait à merveille, et Dianora elle-même écoutait en souriant les paroles passionnées qu’il lui débitait. Si bien qu’aussitôt sa complète guérison, il obtint ce qu’il avait joué au péril de sa vie. Le maître-autel de Saint-Martin de Lucques vit célébrer le mariage de la signora Dianora de Castracani et du seigneur Bonaccorso de Cenami. Au sortir de l’église, la jeune mariée jetait bien des regards furtifs autour d’elle, mais Puccinelli ne se montra point.