Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
122
dianora

chez elles et se rendirent dans une vaste salle tendue de sombres tapisseries, où un vieux domestique leur servit silencieusement le repas du soir ; puis il alluma deux lampes suspendues au plafond. Mme Catherine se mit à lire dévotement un manuscrit de religion, et Dianora tissa à la soie une tapisserie destinée au maître-autel de Saint-Martin. Pendant ce temps, Bonaccorso et Puccinelli se promenaient devant l’église, s’entretenant à contre-cœur de choses étrangères au sentiment qui les agitait ; mais bientôt, et comme à leur insu, il se trouva qu’ils s’étaient avoué leur secret réciproque, quoique chacun d’eux se gardât bien de dire jusqu’à quel point leurs affaires étaient avancées, le premier avec la tante, le second avec la nièce. Enfin ils résolurent de demander cette dernière en mariage l’un après l’autre. Si Puccinelli était refusé, Bonaccorso réussirait peut-être ; et, dans tous les cas, il n’y aurait qu’un malheureux. Ils s’en remirent au sort de savoir lequel se présenterait le premier. Puccinelli gagna, et comme il était vêtu de la façon la plus élégante, il se rendit chez Mme Catherine de Castracani, laissant son rival certain du peu de succès de cette démarche, par suite de la bonne intelligence qu’il entretenait lui-même avec la vieille dame. Puccinelli n’était pas moins confiant dans l’amour de Dianora, et se félicitait in petto de ce que le sort l’eût favorisé.