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GLAUCÉ.

Je puis nager à peine, et sur ma joue en fleur
Le sommeil en fuyant a laissé la pâleur.
Viens ! et tu connaîtras les heures de l’ivresse !
Où les Dieux cachent-ils la jeune enchanteresse
Qui, domptant ton orgueil d’un sourire vainqueur,
D’un regard plus touchant amollira ton cœur ?
Sais-tu quel est mon nom, et m’as-tu contemplée
Lumineuse et flottant sur ma conque étoilée ?
N’abaisse point tes yeux. Ô pasteur insensé,
Pour qui méprises-tu les larmes de Glaucé ?
Daigne m’apprendre, ô marbre à qui l’amour me lie,
Comme il faut que je vive, ou plutôt que j’oublie !


IV


Ô Nymphe ! s’il est vrai qu’Éros, le jeune Archer,
Ait su d’un trait doré te suivre et te toucher ;
S’il est vrai que des pleurs, blanche fille de l’onde,
Étincellent pour moi dans ta paupière blonde ;
Que nul Dieu de la mer n’est ton amant heureux,
Que mon image flotte en ton rêve amoureux,
Et que moi seul enfin je flétrisse ta joue ;
Je te plains ! Mais Éros de notre cœur se joue.
Et le trait qui perça ton beau sein, ô Glaucé,
Sans même m’effleurer dans les airs a glissé.
Je te plains ! Ne crois pas, ô ma pâle Déesse,