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GLAUCÉ.

Ô Nymphe de la mer, Déesse au sein d’albâtre,
Des pleurs voilent mes yeux, et je sens mon cœur battre,
Et des vents inconnus viennent me caresser,
Et je voudrais saisir le monde et l’embrasser !
Hèlios resplendit : à l’abri des grands chênes,
Aux chants entrecoupés des Naïades prochaines,
Je repose, et ma lèvre, habile aux airs divins,
Sous les rameaux ombreux charme les Dieux sylvains.
Blonde fille des Eaux, les vierges de Sicile
Ont émoussé leurs yeux sur mon cœur indocile ;
Ni les seins palpitants, ni les soupirs secrets,
Ni l’attente incertaine et ses pleurs indiscrets,
Ni les baisers promis, ni les voix de sirène
N’ont troublé de mon cœur la profondeur sereine.
J’honore Pan qui règne en ces bois révérés,
J’offre un agreste hommage à ses autels sacrés ;
Et Kybèle aux beaux flancs est ma divine amante
Je m’endors en un pli de sa robe charmante,
Et, dès que luit aux cieux le matin argenté,
Sur les fleurs de son sein je bois la volupté !
Dis ! si je t’écoutais, combien dureraient-elles,
Ces ivresses d’un jour, ces amours immortelles ?
Ô Nymphe de la mer, je ne veux pas t’aimer !
C’est vous que j’aime, ô bois qu’un Dieu sait animer,
Ô matin rayonnant, ô nuit immense et belle !
C’est toi seule que j’aime, ô féconde Kybèle !