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POÈMES ANTIQUES.




III


Ne me dédaigne point, ô vierge ! Un Immortel
M’a, sous ton noir regard, blessé d’un trait mortel.
Lorsque le chœur léger des jeunes chasseresses
Déroule au vent du soir le flot des souples tresses,
Que ton image est douce à mon cœur soucieux !
Toi seule n’aimes point sous la clarté des cieux.
Les Dieux même ont aimé, belle Nymphe farouche !
Aux cimes du Lathmos, et le doigt sur la bouche,
Loin du nocturne char, solitaire, à pas lents,
Attentive aux doux bruits des feuillages tremblants,
On dit qu’une Déesse aux amours ténébreuses
Du pâle Endymion charma les nuits heureuses.
Ne me dédaigne point ! Je suis jeune, et ma main
Ne s’est pas exercée au combat inhumain ;
Mais sur la verte mousse accoudé dès l’aurore,
J’exhale un chant sacré de mon roseau sonore ;
Les tranquilles forêts protègent mon repos ;
Et les riches pasteurs aux superbes troupeaux,
Voyant que, pour dorer ma pauvreté bénie,
Les Dieux justes et bons m’ont donné le génie,
M’offrent en souriant, pour prix de mes leçons,
Les pesantes brebis et leurs beaux nourrissons.
Viens partager ma gloire : elle est douce et sereine.
Sous les halliers touffus, pour saluer leur reine,