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POÈMES ANTIQUES.


Comme deux océans, troubles pour les profanes,
Mais, pour les cœurs pieux, miroirs de pureté,
Abîmes de repos et de sérénité,
Que ses yeux étaient doux, qu’ils étaient diaphanes !

À son ombre, le sein parfumé de çantal,
Mille vierges, au fond de l’étang circulaire,
Semblaient, à travers l’onde inviolée et claire,
Des colombes d’argent dans un nid de cristal.

De bleus rayons baignaient leurs paupières mi-closes ;
Leurs bras polis tintaient sous des clochettes d’or ;
Et leurs cheveux couvraient d’un souple et noir trésor
La neige de leur gorge où rougissaient des roses.

Dans l’onde où le Lotus primitif a fleuri,
Assises sur le sable aux luisantes coquilles,
Telles apparaissaient ces mille belles filles,
Frais et jeunes reflets du suprême Hâri.

À la droite du Dieu, penché sur ses cavales,
L’ardent Archer faisait sonner le plein carquois ;
Et l’Aurore guidait du bout de ses beaux doigts
L’attelage aux grands yeux, aux poils roses et pâles.

À gauche, un Géant pourpre et sinistre, portant
Des crânes chevelus en ceinture à ses hanches,
L’oeil creux, triste, affamé, grinçant de ses dents blanches,
Broyait et dévorait l’Univers palpitant.