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ÇUNACÉPA.

Mais il me brisa l’aile et ravit sa victime.
Et moi, comme un roc lourd roulant de cime en cime,
Je crus mourir. Enfants, je suis l’antique Roi
Des vautours. J’ai pitié de vous ; écoutez-moi.
Quand Sûryâ des monts enflammera la crête,
Cherchez dans la forêt Viçvamitra l’ascète,
Dont les austérités terribles font un Dieu.
Lui seul peut te sauver, fils du Brahmane. Adieu ! —

Et, repoussant du pied les palmes remuées,
Il déploya son vol vers les hautes nuées.


V


La Nuit divine, enfin, dans l’ampleur des cieux clairs,
Avec sa robe noire aux plis brodés d’éclairs,
Son char d’ébène et d’or, attelé de cavales
De jais et dont les yeux sont deux larges opales,
Tranquille et déroulant au souffle harmonieux
De l’espace, au-dessus de son front glorieux,
Sa guirlande étoilée et l’écharpe des nues,
Descendit dans les mers des Dêvas seuls connues ;
Et l’Est devint d’argent, puis d’or, puis flamboya,
Et l’univers encor reconnut Sûryâ !

À travers la forêt profonde et murmurante,
Où sous les noirs taillis jaillit la source errante ;