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POÈMES ANTIQUES.

Où revenait l’essaim des sauvages ramiers
Se blottir aux rameaux assouplis des palmiers,
Qui, sous les cloches d’or des plantes enlacées,
Rafraîchissaient l’air chaud de leurs feuilles bercées.
Çunacépa, couché parmi le noir gazon,
Voyait le jour décroître au paisible horizon,
Et, pressant de ses bras son cœur plein de détresse,
Pleurait devant la mort sa force et sa jeunesse.
Il vous pleurait, ô bois murmurants et touffus,
Vallée où l’ombre amie éveille un chant confus,
Fleuve aimé des Dêvas, dont l’écume divine
A senti tant de fois palpiter sa poitrine,
Champs de maïs, au vent du matin onduleux,
Cimes des monts lointains, vastes mers aux flots bleus,
Beaux astres, habitants de l’espace sans borne
Qui flottez dans le ciel étincelant et morne !
Mais plus que la nature et que ce dernier jour,
Ô fleur épanouie aux baisers de l’amour,
Ô Çanta, coupe pure où ses lèvres fidèles
Buvaient le flot sacré des larmes immortelles,
C’était toi qu’il pleurait, toi, son unique bien,
Auprès de qui le monde immense n’était rien !
Et, comme il t’appelait de son âme brisée,
Tu vins à ses côtés t’asseoir dans la rosée,
Joyeuse, et tes longs cils voilant tes yeux charmants,
Souple comme un roseau sous tes blancs vêtements,
Et faisant à tes bras, qu’autour de lui tu jettes,
Sonner tes bracelets où tintent des clochettes.
Puis, d’une voix pareille aux chansons des oiseaux