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ÇUNACÉPA.

Mon père m’abandonne et ma mère m’oublie.
Mais avant qu’au pilier le Brahmane me lie,
Permets, Maharadjah, que tout un jour encor
Je vive. Quand, demain, dans la mer pleine d’or
Sûryâ d’un seul bond poussera ses cavales,
Je serai prêt. — C’est bien, dit le Roi. — Les cymbales
Résonnent, l’air s’emplit du bruit strident des chars ;
Hennissements et cris roulent de toutes parts ;
Et, remontant le cours de la sainte rivière,
Tous s’en vont, inondés de flamme et de poussière.

Le jeune homme, debout devant ses vieux parents,
Calme, les regardait de ses yeux transparents,
Et les voyant muets : — Mon père vénérable,
Mes jours seront pareils aux feuilles de l’érable
Qu’un orage d’été fait voltiger dans l’air
Bien avant qu’ait sifflé le vent froid de l’hiver :
Adieu ! Ma mère, adieu ! Vivez longtemps, mes frères !
Indra vous garde tous des Puissances contraires,
Et qu’il boive mon sang sur son pilier d’airain ! —

Et le Richi lui dit : — Tout n’est qu’un songe vain. —


IV


La colline était verte et de fleurs étoilée,
Où l’arôme du soir montait de la vallée,