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POÈMES ANTIQUES.

II


La Terre était tombée au profond de l’abîme,
Et les Richis jetaient une plainte unanime ;
Mais Bhagavat, semblable au lion irrité,
Rugit dans la hauteur du ciel épouvanté.
Le divin Sanglier, mâle du sacrifice,
L’oeil rouge, et secouant son poil qui se hérisse,
Tel qu’un noir tourbillon, un souffle impétueux,
Traversant d’un seul bond les airs tumultueux,
Favorable aux Richis dont la voix le supplie,
Suivait à l’odorat la Terre ensevelie.
Il plongea sans tarder au fond des grandes Eaux ;
Et l’Océan souffrit alors d’étranges maux,
Et les flancs tout meurtris de la chute sacrée,
Étendit les longs bras de l’onde déchirée,
Poussant une clameur douloureuse et disant :
— Seigneur ! prends en pitié l’abîme agonisant ! —
Mais Bhagavat nageait sous les flots sans rivage.
Il vit, dans l’algue verte et les limons sauvages,
La Terre qui gisait et palpitait encor ;
Et, transfixant du bout de ses défenses d’or,
L’Univers échoué dans l’étendue humide,
Il remonta couvert d’une écume splendide.



III


Quand sur la nue assis, noir de colère, Indra,
Amassera la pluie et la déchaînera