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BHAGAVAT.


Et les paons et les coqs au plumage de feu,
Annonçaient le Séjour, l’inénarrable Lieu,
D’où s’épanche sans cesse, en torrents de lumière,
La divine Mâyâ, l’Illusion première.
Mille femmes au front d’ambre, aux longs cheveux noirs,
Des flots aux frais baisers troublaient les bleus miroirs,
Et du timbre argenté de leurs lèvres pourprées
Disaient en souriant les hymnes consacrées ;
Et les Esprits nageaient dans l’air mystérieux ;
Et les doux Kinnaras, musiciens des Dieux,
Sur les flûtes d’ébène et les vinâs d’ivoire,
Chantaient de Bhagavat l’inépuisable histoire.



LES KINNARAS


I


Il était en principe, unique et virtuel,
Sans forme et contenant l’univers éternel.
Rien n’était hors de lui, l’Abstraction suprême.
Il regardait sans voir et s’ignorait soi-même.
Et soudain tu jaillis et tu l’enveloppas,
Toi, la Source infinie, et de ce qui n’est pas
Et des choses qui sont ! Toi par qui tout s’oublie,
Meurt, renaît, disparaît, souffre et se multiplie,
Mâyâ ! Qui, dans ton sein invisible et béant,
Contiens l’homme et les Dieux, la vie et le néant.