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POÈMES ANTIQUES.

Souille notre triomphe en nous désunissant,
Et, germe de colère autant que de ruine,
Livre au caprice humain la parole divine ;
Si trop d’ardeur nous pousse à trop de liberté,
Ne t’en réjouis point dans ta malignité :
Nos passions du moins sont d’un ordre sublime !
Nous combattons en nous les Esprits de l’abîme,
Et nous voulons forger avec des mains en feu
La sereine unité de nos âmes en Dieu !
Qu’importe tout un siècle écoulé dans l’orage,
Si l’arche du refuge est intacte et surnage,
Si, durant la tempête, un souffle furieux
S’envole au port divin et nous y conduit mieux !
Comme Pierre, jadis, qui s’effraie et chancelle,
Sur les flots soulevés le Seigneur nous appelle ;
Mais, si dans sa clémence il nous prend en merci,
Où l’apôtre a marché nous marcherons aussi ;
Et ce miracle saint, quand la foi le contemple,
Du triomphe promis est l’image et l’exemple.
Entends, ouvre les yeux, ma fille, et suis nos pas.
C’est le néant qui s’ouvre à qui n’espère pas !
Y dormir à jamais, est-ce là ton envie ?
Adores-tu les morts ? As-tu peur de la vie ?
Tes Dieux sont en poussière aux pieds du Christ vainqueur !



HYPATIE.


Ne le crois pas, Cyrille ! Ils vivent dans mon cœur,
Non tels que tu les vois, vêtus de formes vaines,