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HYPATIE ET CYRILLE.

Sont-ce là les leçons à l’univers promises ?
Et veux-tu qu’infidèle au culte des aïeux,
Je prenne aveuglément vos passions pour Dieux ?
Cyrille, écoute-moi. Demain, dans mille années,
Dans vingt siècles, — qu’importe au cours des destinées ! —
L’homme étouffé par vous enfin se dressera :
Le temps vous fera croître et le temps vous tuera :
Et, comme toute chose humaine et périssable,
Votre œuvre ira dormir dans l’Ombre irrévocable !



CYRILLE.


Qu’en sais-tu ? D’où te vient cette présomption
D’oser pousser au ciel ta malédiction ?
Quoi ! l’Église que Dieu pour sa gloire a fondée,
Du sang des saints martyrs encor tout inondée,
Comme un phare éclatant dans le naufrage humain,
Si tu ne l’applaudis, va s’écrouler demain !
Tu braves à ce point l’éternelle Justice !
Tremble qu’elle n’éclate et ne t’anéantisse...
Mais je m’oublie ! Et Dieu, qui parle par ma voix,
Daigne encor t’avertir une dernière fois.
Femme ! si nous offrons en spectacle à nos frères
La barque de l’apôtre en proie aux vents contraires,
Touchant à peine au port, et, comme aux premiers jours,
Lancée en haute mer pour y lutter toujours ;
Si la victoire même a produit un mal pire
Par la contagion des vices de l’Empire ;
Si l’hérésie enfin, mensonge renaissant,