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POÈMES ANTIQUES.

Le noble Julien, succombant à la peine,
M’instruit à confesser son espérance vaine ;
Ce que Cæsar tenta, je ne l’ai point rêvé.
Contre ses Dieux trahis ce monde est soulevé ;
Le présent, l’avenir, la puissance et la vie
Sont à vous, je le sais, et la mort nous convie.
Mais jusqu’à la fureur pourquoi vous emporter ?
Jusque dans nos tombeaux pourquoi nous insulter ?
Que craignez-vous des morts, vous de qui les mains pures
S’élèvent vers le ciel vierges de nos souillures,
Et qui, seuls, dites-vous, êtes prédestinés
À donner la sagesse aux peuples nouveau-nés ?
Efforcez-vous, plutôt que nous jeter l’outrage,
De chasser de vos cœurs la discorde sauvage,
Et s’il est vrai qu’un Dieu vous guide, soyez doux,
Cléments et fraternels, et valez mieux que nous.
Regarde ! Tout l’Empire est plein de vos querelles.
Quel jour ne voit germer quelques sectes nouvelles,
Depuis que Constantin, depuis bientôt cent ans,
Dans Nicée assembla vos pères triomphants
Qui, du temple nouveau pour mieux asseoir la base,
Contraignirent le monde à la foi d’Athanase ?
Vains efforts ! Car l’ardeur de vos dissensions
N’a cessé de troubler le cœur des nations.
Que la pourpre proscrive ou cache l’hérésie,
Portant dans vos débats la même frénésie
Et par la controverse à la haine poussés,
Au nom du même Dieu tous vous vous maudissez !
Où sont la paix, l’amour, qu’enseignent vos églises ?