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HYPATIE ET CYRILLE.

Apprends-moi dans quel lit assez profond pour lui
Enfermer ce torrent qui déborde aujourd’hui
Et qui, de jour en jour plus furieux sans doute,
Pour trouver son niveau voudra creuser sa route :
Vaste bouillonnement de désirs, d’intérêts,
D’avide convoitise et de sombres regrets ;
Peuples vieillis flottant au milieu du naufrage,
Et jeunes nations surgissant d’un orage,
Sans force d’une part et d’autre part sans frein,
Qui roulent au hasard comme un déluge humain.
Comment briseras-tu ce flot irrésistible ?
Où marques-tu le terme à sa course terrible ?
Et le mèneras-tu, par des sentiers choisis,
Du jardin de Platon aux parvis d’Éleusis ?
Ma fille, un nouveau lit s’ouvre au courant de l’onde,
Un nouveau jour se lève à l’horizon du monde,
Et le sang de mon Dieu cimente parmi nous
Le seul temple assez grand pour nous contenir tous.
Là, dans un même élan d’espérances communes,
L’homme méditera de plus hautes fortunes :
La paix, la liberté, le ciel à conquérir
Feront un saint devoir de vivre et de mourir,
Et les siècles verront, pleins de joie infinie,
La famille terrestre à son Dieu réunie !



HYPATIE.


Va ! Ne mesure point ta force à nos revers ;
Je sais à quel désastre assiste l’univers.