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POÈMES ANTIQUES.

De sang, de voluptés terribles assouvie,
Faisant mentir enfin l’oracle Sibyllin,
Dans sa propre fureur se déchire le sein,
S’effraie aux mille cris de vengeance et de haine
D’un monde révolté qui va briser sa chaîne,
Et, d’un destin fatal précipitant le cours,
Dans ses temples muets blasphème ses Dieux sourds ;
Enfant, prête l’oreille, interroge la nue ;
Dis-moi ce que ta gloire antique est devenue !
Ou plutôt, vois, parmi l’essaim des noirs corbeaux,
La torche du Barbare errer sur vos tombeaux ;
Et, repoussant du pied la Bacchante avilie,
Couchée, ivre et banale, au sein de l’Italie,
Le grand Cæsar chrétien abriter à la fois
Et l’Empire et Byzance à l’ombre de la Croix !
Jours du premier triomphe où, comme une bannière,
Le sacré Labarum flotta dans la lumière !
Puis, quand un voile épais semble obscurcir le ciel
Et qu’il faut boire encore à la coupe de fiel,
Vois Julien, faisant de la pourpre un suaire,
Ranimer un instant ses Dieux dans l’ossuaire,
Railler le Christ sauveur, et, comme un insensé,
Refouler l’avenir débordant le passé,
Offrir un encens vil aux idoles infâmes,
L’or à l’apostasie et des pièges aux âmes,
Mais bientôt, de son crime avorté convaincu,
Crier : — Galiléen ! je meurs et suis vaincu ! —
Et maintenant, regarde, au sein de la tourmente,
L’humanité livrée à la mer écumante ;