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POÈMES ANTIQUES.

Les fleuves ont germé dans ses veines, sa tête
Enferme les Védas, son souffle est la tempête ;
Sa marche est à la fois le temps et l’action ;
Son coup œil éternel est la création,
Et le vaste Univers forme son corps solide.
Allez ! La route est longue et la vie est rapide.

Et Ganga disparut dans le fleuve endormi,
Comme un rayon qui plonge et s’éclipse à demi.

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Pareils à l’éléphant qui, de son pied sonore,
Fuit l’ardente forêt qu’un feu soudain dévore,
Qui mugit à travers les flamboyants rameaux,
Et respirant à peine et consumé de maux,
Emportant l’incendie à son flanc qui palpite,
Dans la fraîcheur des eaux roule et se précipite ;
À la voix de Ganga les sages soucieux
Sentaient les pleurs amers se sécher dans leurs yeux.
Sept fois, les bras tendus vers l’onde bleue et claire,
Ils bénirent ton nom, ô Vierge tutélaire,
Ô fille d’Himavat, Déesse au corps charmant,
Qui jadis habitais le large firmament,
Et que Bhagiratha, le roi du sacrifice,
Fit descendre en ce monde en proie à l’injustice.
Puis adorant ton nom, béni par eux sept fois,
Ils quittèrent le fleuve et l’épaisseur des bois ;
Et vers la région des montagnes neigeuses,
Durant les chauds soleils et les nuits orageuses,
Dédaigneux du péril et du rire moqueur,