Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/25

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
BHAGAVAT.

Mais aux voix de la rive elle inclina l’oreille,
Et voilée à demi d’un bleuâtre éventail,
Avec ses bracelets de perles et de corail,
Son beau corps diaphane et frais, sa bouche rose
Où le sourire ailé comme un oiseau se pose,
Et ses cheveux divins de nymphéas ornés,
Elle apparut et vit les sages prosternés.



GANGA


Brahmanes ! Qui vivez et priez sur mes rives,
Vous qui d’un œil pieux contemplez mes eaux vives,
Pourquoi gémir ? Quel est votre tourment cruel ?
Un brahmane est toujours un roi spirituel.
Il reçoit au berceau mille dons en partage ;
Aimé des dieux, il est intelligent et sage ;
Il porte au sacrifice un cœur pur et des mains
Sans tache ; il vit et meurt vénérable aux humains.
Pourquoi gémissez-vous, ô brahmanes que j’aime ?
Ne possédez-vous plus la science suprême ?
Avez-vous offensé l’essentiel esprit
Pour n’avoir point prié dans le rite prescrit ?
Confiez-vous en moi, mes paroles sont sûres :
Je puis tarir vos pleurs et fermer vos blessures,
Et fixer de nouveau, loin du monde agité,
Vos âmes dans le rêve et l’immobilité.

Sur le large Lotus où son corps divin siège,
Ainsi parlait Ganga, blanche comme la neige.