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KHIRÔN.

Regagnent la vallée humide ou les hauteurs
Verdoyantes. Voici les vierges au doux rire
Où rayonne la joie, où la candeur respire,
Qui retournent, avec leurs naïves chansons,
Les unes aux cours d’eau, les autres aux moissons.
Mais, ô jeune trésor de la terre divine,
Quelle crainte soudaine en vos yeux se devine ?
D’où vient que votre sein s’émeuve et que vos pas
S’arrêtent, et qu’ainsi vous vous parliez tout bas,
Montrant de vos bras nus, où le désir se pose,
Une apparition dans le lointain éclose ?
Ô vierges, ô pasteurs, de quel trouble assiégés,
Restez-vous, beaux corps nus, en marbre blanc changés ?
Serait-ce qu’un lion, désertant la montagne,
Bondisse, l’œil ardent, suivi de sa compagne,
Dévorés de famine et déjà réjouis ?
Un éclair menaçant vous a-t-il éblouis ?
Non ! D’un respect pieux votre âme s’est remplie :
C’est ce même Étranger que jamais nul n’oublie,
Et qui marche semblable aux Dieux ! — Son front serein
Est tourné vers l’Olympe, et d’un pied souverain
Il foule sans le voir le sentier qui serpente.
Déjà du Péliôn il a franchi la pente.
Les vierges, les pasteurs l’ont vu passer près d’eux ;
Mais il s’arrête et dit : — Enfants, soyez heureux !
Pasteurs adolescents, vierges chastes et belles,
Salut ! Puissent vos cœurs être forts et fidèles !
Bienheureux vos parents ! Honneur de leurs vieux jours,
Entourez-les, enfants, de pieuses amours !