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POÈMES ANTIQUES.

La colère descend de tes lèvres puissantes ;
Puis le calme succède à l’orage du ciel ;
Un chant majestueux, qu’on dirait éternel
Enveloppe la lyre entre tes bras vibrante ;
Et l’oreille, attachée à cette âme mourante,
Poursuit dans un écho décroissant et perdu
Le chant qui n’étant plus est toujours entendu.
Le Péléide écoute, et la lyre est muette !
Altéré d’harmonie, il incline la tête :
Sous l’or de ses cheveux, d’une noble rougeur
L’enthousiasme saint brûle son front songeur ;
Une ardente pensée, en son cœur étouffée,
L’oppresse de sanglots ; mais il contemple Orphée,
Et dans un cri sublime il tend ses bras joyeux
Vers cette face auguste et ces splendides yeux
Où du céleste éclair que ravit Prométhée
Jaillit, impérissable, une flamme restée ;
Comme si le Destin eût voulu confier
La flamme où tous vont boire et se vivifier
Au fils de Kalliope, au Chanteur solitaire
Que chérissent les Dieux et qu’honore la Terre.

Mais le sombre horizon des deux, les monts dormants
Qui baignent leurs pieds lourds dans les flots écumants,
Les forêts dont l’Euros fait osciller les branches,
Tout s’éveille, s’argente à des clartés plus blanches ;
Et déjà, de la nuit illuminant les pleurs,
L’Aurore monte au sein d’un nuage de fleurs.
Orphée a vu le jour : — Ô toi que je révère,