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POÈMES ANTIQUES.

Noble Aède ! J’attends le jour expiatoire ;
Et mon dernier regard, de tristesse incliné,
Contemple pour jamais la terre où je suis né.
L’Euros aux ailes d’or, d’une haleine attendrie,
Confiera ma poussière à la douce patrie
Où fleurit ma jeunesse, où se cloront mes yeux !
Porte au grand Hèraklès mes suprêmes adieux :
Dis-lui que, résigné, soumis à des lois justes,
Je vois errer ma mort entre ses mains augustes,
Et que nulle colère, en mon nom paternel,
Ne brûle contre lui pour ce jour solennel.
Mais Hèlios encor, dans le sein de Nérée,
N’entr’ouvre point des d’eux la barrière dorée ;
Tout repose, l’Olympe,et la Terre au sein dur.
Tandis que Sélènè s’incline dans l’azur,
Daigne, harmonieux Roi qu’Apollon même envie,
Charmer d’un chant sacré notre oreilie ravie,
Tel que le noir Hadès l’entendit autrefois
En rythmes cadencés s’élancer de ta voix,
Quand le triple Gardien du Fleuve aux eaux livides
Referma de plaisir ses trois gueules avides,
Et que des pâles Morts la foule suspendit
Dans l’abîme sans fond son tourbillon maudit ! —

Comme au faîte des monts Apollôn Musagète,
Le fils de Kalliope est debout ! Il rejette
Sur son dos large et blanc, exercé dans les jeux,
Ses cheveux éclatants, sa robe aux plis neigeux ;
Il regarde l’Olympe où ses yeux savent lire,