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POÈMES ANTIQUES.

Les sereines forêts aux silences épais,
Chères au divin Pan, ruisselantes de paix,
Les sereines forêts, immobiles naguères,
Peuvent s’écheveler comme des fronts vulgaires ;
L’ouragan qui se rue en bonds tumultueux
Peut des chênes sacrés briser les troncs noueux ;
L’astre peut resplendir dans la nue azurée
Et brusquement s’éteindre au sein de l’Empyrée ;
L’Océan peut rugir, la Terre s’ébranler ;
Les races dans l’Hadès peuvent s’amonceler ;
L’aveugle Mouvement, de ses forces profondes,
Faire osciller toujours les mortels et les mondes...
Mais d’où vient que les Dieux qui ne mourront jamais
Et qui du large Aithèr habitent les sommets,
Les Dieux générateurs des astres et des êtres,
Les Rois de l’Infini, les implacables Maîtres,
En des combats pareils aux luttes des héros,
De leur éternité troublent le sûr repos ?
Est-il donc par delà leur sphère éblouissante
Une Force impassible, et plus qu’eux tous puissante,
D’inaltérables Dieux, sourds aux cris insulteurs,
Du mobile Destin augustes spectateurs,
Qui n’ont jamais connu, se contemplant eux-mêmes,
Que l’éternelle paix de leurs songes suprêmes ?

Répondez, répondez, ô Terre, ô Flots, ô Cieux !
Que n’ai-je, ô roi d’Athos, ton vol audacieux !
Que ne puis-je, ô Borée, à tes souffles terribles
Confier mon essor vers ces Dieux invisibles !