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POÈMES ANTIQUES.

De leurs chants belliqueux s’emplissaient et roulaient.
Telle, la vieille mer aux forces formidables
Amasse un noir courroux dans ses flots insondables,
Se gonfle, se déroule, et, sous l’effort des vents,
À l’assaut des grands caps pousse ses flots mouvants :
L’Olympe tremble au bruit, et la rive pressée
Palpite sous le poids, d’écume hérissée.
Ainsi ce peuple fier, aux combats sans égaux,
Heurte dans son essor l’antique Pélasgos ;
Et sur ces bords bercés d’un repos séculaire,
Pour la première fois a rugi la Colère.

Les troupeaux éperdus, au hasard dispersés,
Mugissent dans la flamme et palpitent percés ;
Comme au vent orageux volent les feuilles sèches,
Les airs sont obscurcis d’un nuage de flèches…
Superbe et furieux, l’étalon hennissant
Traîne les chars d’airain dans un fleuve de sang ;
Et la clameur féroce, aux lèvres écumantes,
Les suprêmes soupirs, les poitrines fumantes,
Les têtes bondissant loin du tronc palpitant,
Le brave, aimé des Dieux, qui tombe en combattant,
Le lâche qui s’enfuit, la vieillesse, l’enfance,
Et la vierge au corps blanc qu’un fer cruel offense,
Tout ! cris, soupirs, courage, ardeur, efforts virils,
Tout proclame l’instant des suprêmes périls,
L’heure sombre où l’Érèbe en ses parois profondes
Engloutit par essaims les races vagabondes,
Jusqu’au jour éternel où leurs restes épars