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KHIRÔN.

Les noms mélodieux de ses belles compagnes,
Elle marchait, rapide, et sa robe de lin
Par une agrafe d’or à son genou divin
Se nouait, et les bois, respectant la Déesse,
S’écartaient au devant de sa mâle vitesse.

Je reposais au pied d’un chêne aux noirs rameaux,
Les mains teintes encor du sang des animaux ;
Car depuis qu’Hèlios dont le monde s’éclaire
Avait poussé son char dans l’azur circulaire,
Par les taillis épais d’arbustes enlacés,
Sur les rochers abrupts de mousses tapissés,
Sans relâche, j’avais de mes mains meurtrières
Percé les cerfs légers errant dans les clairières,
Et, des fauves lions suivant les pas empreints,
D’un olivier noueux brisé leurs souples reins.
Artémis s’arrêta sous le chêne au tronc rude,
Et d’une voix divine emplit la solitude :

— Khirôn, fils de Kronos, habitant des forêts,
Dont la main est habile à disposer les rets,
Et qui, sur le sommet de mes vastes domaines,
Coules des jours sereins loin des rumeurs humaines,
Centaure, lève-toi ! les Dieux te sont amis.
Sois le cher compagnon que leurs voix m’ont promis !
Et sur le vert Kynthios ou l’Érymanthe sombre,
Sur le haut Péliôn noirci de pins sans nombre,
Aux crêtes des rochers où l’aigle fait son nid,
Viens fouler sur mes pas la mousse et le granit.