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KHIRÔN.

Permets que je te serve. — Et son genou s’incline,
Et ses cheveux dorés, au Sperkhios voués,
Sur son front qui rougit s’épandent dénoués.
Le sage lui sourit, l’admire et le caresse :
— Que le grand Zeus, mon fils, à ton sort s’intéresse ! —
Le Péléide alors lave ses pieds fumants,
Agrafe le cothurne aux simples ornements,
Puis écoute, appuyé sur sa pique de hêtre,
L’harmonieuse voix qui répond à son maître.
Tel, le jeune Bakkhos, dans les divins conseils,
S’accoude sur le thyrse aux longs pampres vermeils.

— Interdit devant toi, fils de Kronos, ô sage,
A peine j’ose encor contempler ton visage ;
Et je doute en mon cœur que les Destins amis
Aient vers le grand Khirôn guidé mes pas soumis.
Salut, divin vieillard, plein d’un esprit céleste !
Que jamais Érinnys, dans sa course funeste,
Ne trouble le repos de tes glorieux jours !
Ô sage, vis sans cesse, et sois heureux toujours !
La vérité, mon père, a parlé par ta bouche :
Kalliope reçut Oiagre dans sa couche.
Je suis né sur l’Hémos de leurs embrassements.
Pour braver Poséidôn et les flots écumants,
J’ai quitté sans regrets la verte Bistonie
Où des rythmes sacrés j’enchaînais l’harmonie ;
Et la riche Iolkos m’a reçu dans son sein.
Là, sur le bord des mers, comme un bruyant essaim,
Cinquante rois couverts de brillantes armures,