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POÈMES ANTIQUES.

Ta présence m’honore, et mon antre sauvage
N’a contenu jamais, entre tous les humains,
Un hôte tel que toi, Chanteur aux belles mains !
Ta gloire a retenti des plaines Helléniques
Jusqu’aux fertiles bords où les Géants antiques
Gémissent, et souvent mon oreille écouta,
De la Thrace glacée aux cimes de l’Oita,
Les sons mélodieux de ta lyre honorée
Voler dans l’air ému sur l’aile de Borée.
Déjà par l’âge éteints, jamais mes faibles yeux
Ne t’avaient contemplé, mortel semblable aux Dieux !
J’en atteste l’Olympe et la splendeur nocturne,
Ta vue a réjoui ma grotte taciturne.
Entre ! repose-toi sur ces peaux de lion.
Dans les vertes forêts du sombre Péliôn,
Jadis, en mes beaux jours de force et de courage,
J’immolai de mes mains ces lions pleins de rage.
Maintenant leur poil fauve est propice au repos,
Plus que la toison blanche arrachée aux troupeaux.
Et-toi, fils de Thétis, enfant au pied agile,
Verse l’onde qui fume en cette urne d’argile,
Et de mon hôte illustre, aux accents inspirés,
D’une pieuse main lave les pieds sacrés. —

Il dit, et le jeune homme, à sa voix vénérée,
Saisit l’urne, d’acanthe et de lierre entourée.
Une eau pure et brûlante y coule ; et, gracieux,
Il s’approche d’Orphée aux chants harmonieux :
— Ô Roi ! mortel issu d’une race divine,