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POÈMES ANTIQUES.

Ceinte d’astres, la Nuit, au milieu de sa course,
Vers l’occident plus noir poussait le char de l’Ourse.
Tout se taisait, les monts, les villes et les bois,
Les cris du misérable et le souci des rois.
Les Dieux dormaient, rêvant l’odeur des sacrifices ;
Mais, veillant seule, Hèra, féconde en artifices,
Suscita deux dragons écaillés, deux serpents
Horribles, aux replis azurés et rampants,
Qui devaient étouffer, messagers de sa haine,
Dans son berceau guerrier l’Enfant de la Thébaine.

Ils franchissent le seuil et son double pilier,
Et dardent leur œil glauque au fond du bouclier.
Iphiklès, en sursaut, à l’aspect des deux bêtes,
De la langue qui siffle et des dents toutes prêtes,
Tremble, et son jeune coeur se glace, et, pâlissant,
Dans sa terreur soudaine il jette un cri perçant,
Se débat, et veut fuir le danger qui le presse ;
Mais Hèraklès, debout, dans ses langes se dresse,
S’arrache aux deux serpents, rive à leurs cous visqueux
Ses doigts divins, et fait, en jouant avec eux,
Leurs globes élargis sous l’étreinte subite
Jaillir comme une braise au delà de l’orbite.
Ils fouettent en vain l’air, musculeux et gonflés ;
L’Enfant sacré les tient, les secoue étranglés,
Et rit en les voyant, pleins de rage et de bave,
Se tordre tout autour du bouclier concave.
Puis, il les jette morts le long des marbres blancs,
Et croise pour dormir ses petits bras sanglants.