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POÈMES ANTIQUES.

Je brûlerai mon œil qui m’est cher, et mon âme !

Si je savais nager, du moins ! Au sein des flots
J’irais t’offrir des lys et de rouges pavots.
Mais, vains souhaits ! J’en veux à ma mère : c’est elle
Qui, me voyant en proie à cette amour mortelle,
D’un récit éloquent n’a pas su te toucher.
Vos cœurs à toutes deux sont durs comme un rocher !
Cyclope, que fais-tu ? Tresse en paix tes corbeilles,
Recueille en leur saison le miel de tes abeilles,
Coupe pour tes brebis les feuillages nouveaux,
Et le temps, qui peut tout, emportera tes maux ! —

C’est ainsi que chantait l’antique Polyphème ;
Et son amour s’enfuit avec sa chanson même,
Car les Muses, par qui se tarissent les pleurs,
Sont le remède unique à toutes nos douleurs.