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POÈMES ANTIQUES.

Et la Terre, bercée en leurs bras caressants,
Vantait la piété de ses fils tout-puissants.
Chante ces dieux déchus des voûtes éthérées,
Qui, frappés dans le sein des batailles sacrées,
Sous les doubles assauts de la foudre et du temps,
Gisent au noir Hadès ; chante les Dieux Titans !
Hypériôn, Atlas et l’époux de Clymène,
Et celui d’où sortit toute science humaine,
L’illustre Prométhée aux yeux perçants ! Celui
Pour qui seul entre tous l’avenir avait lui.
Le Ravisseur du feu, cher aux mortels sublimes,
Qui longtemps enchaîné sur de sauvages cimes,
Bâtissait un grand rêve aux serres du vautour ;
Sur qui, durant les nuits, pleuraient, pleines d’amour,
Les filles d’Océan aux invisibles ailes ;
Qu’Héraclès délivra de ses mains immortelles,
Et qui fera jaillir de son sein indompté
Le jour de la justice et de la liberté.
Chante ces Dieux ! Ceux-là furent heureux et sages :
Leur culte au fond des cœurs survit au cours des âges.
Dans les flancs maternels de la Terre couchés,
Sur le jeune avenir leurs yeux sont attachés,
Certains qu’au jour fatal, écroulé de la nue,
Zeus s’évanouira dans la Nuit inconnue ;
Qu’un autre Dieu plus fort, dans l’Olympe désert,
Régnant, enveloppé d’un éternel concert,
Et d’un songe inutile entretenant la Terre,
Refusera la coupe aux lèvres qu’il altère ;
Que lui-même, vaincu par de hardis mortels,