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POÈMES ANTIQUES.


HÈLÈNE.


Éros brûle en mon sein ! Ô vieillard, je me meurs.
Va, Démodoce, cours ! De tes longues clameurs
Emplis les bords du fleuve. Arrête sa trirème.
Dis-lui que je l’attends et je supplie et l’aime !


DÉMODOCE.


Par ton vaillant époux, par la gloire d’Hellas,
Puissent de Zeus vengeur les foudres en éclats
Frapper ma tête impie et livrer ma poussière
Aux vents d’orage, si j’écoute ta prière !


LE CHŒUR DE FEMMES.


Malheureuse et cruelle Hélène, qu’as-tu dit ?


HÈLÈNE.


Vierges, séchez vos pleurs, car mon sort est prédit :
Il faut courber le front sous une loi plus forte.
Ah ! sans doute il est lourd, le poids que mon cœur porte ;
Ils sont amers, les pleurs qui tombent de mes yeux,
Mais les Dieux l’ont voulu : je m’en remets aux Dieux.
Ils ont troublé ma vie… Eh bien ! quoiqu’il m’en coûte,
J’irai jusques au bout de ma funeste route :
Gloire, honneur et vertu, je foulerai du pié
Ce que l’homme et le Ciel révèrent, sans pitié,
Sans honte ! et quand viendra le terme de mon âge,
Voilà, dirai-je aux Dieux, votre exécrable ouvrage !