Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.
2
POÈMES ANTIQUES.

Une haleine terrible habite en tes poumons ;
Elle trouble la neige errante au flanc des monts ;
Dans l’obscurité morne en grondant elle affaisse
Les astres submergés par la nuée épaisse,
Et fait monter en chœur les soupirs et les voix
Qui roulent dans le sein vénérable des bois.

Ta demeure est au bord des océans antiques,
Maître ! Les grandes Eaux lavent tes pieds mystiques.

Elle vient, elle accourt, ceinte de lotus blancs,
L’Aurore aux belles mains, aux pieds étincelants ;
Et tandis que, songeur, près des mers tu reposes,
Elle lie au char bleu les quatre vaches roses.
Vois ! Les palmiers divins, les érables d’argent.
Et les frais nymphéas sur l’eau vive nageant,
La vallée où pour plaire entrelaçant leurs danses
Tournent les Apsaras en rapides cadences,
Par la nue onduleuse et molle enveloppés,
S’éveillent, de rosée et de flamme trempés.
Pour franchir des sept cieux les larges intervalles,
Attelle au timon d’or les sept fauves cavales,
Secoue au vent des mers un reste de langueur,
Éclate, et lève-toi dans toute ta vigueur !

Ta demeure est au bord des océans antiques,
Maître ! Les grandes Eaux lavent tes pieds mystiques.

Mieux que l’oiseau géant qui tourne au fond des cieux,
Tu montes, ô guerrier, par bonds victorieux ;