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HÉLÈNE.

La source s’arrêta sur les pentes voisines,
Et l’Ida frémissant ébranla ses racines ;
Et de sueurs baigné, plein de frissons pieux,
Pâle, je pressentis la présence des Dieux.

De ce nuage d’or trois Formes éclatantes,
Sous les plis transparents de leurs robes flottantes
Apparurent debout sur le mont écarté.
L’une, fière et superbe, avec sérénité
Dressa son front divin tout rayonnant de gloire,
Et croisant ses bras blancs sur son grand sein d’ivoire :
— Cher fils de Priamos, tu contemples Héré, —
Dit-elle ; et je frémis à ce nom vénéré.
Mais d’une voix plus douce et pleine de caresses :
— Ô pasteur de l’Ida, juge entre trois Déesses.
Si le prix de beauté m’est accordé par toi,
Des cités de l’Asie un jour tu seras roi. —
L’autre, sévère et calme, et pourtant non moins belle
Me promit le courage et la gloire immortelle,
Et la force qui dompte et conduit les humains.
Mais la dernière alors leva ses blanches mains,
Déroula sur son cou de neige, en tresses blondes,
De ses cheveux dorés les ruisselantes ondes,
Dénoua sa ceinture, et sur ses pieds d’argent
Laissa tomber d’en haut le tissu négligent ;
Et, muette toujours, du triomphe assurée,
Elle sourit d’orgueil dans sa beauté sacrée.
Un nuage à sa vue appesantit mes yeux
Car la sainte Beauté dompte l’homme et les Dieux !