Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
90
POÈMES ANTIQUES.


HÉLÈNE.


Étranger, qu’as-tu dit ? Vers l’épouse d’Airide
Les Dieux auraient poussé ta trirème rapide !
Pour cet humble dessein tu quitterais les bords
Où tu naquis au jour, où tes pères sont morts,
Où, versant de longs pleurs, ta mère d’ans chargée
T’a vu fuir de ses yeux vers les ondes d’Aigée !


PÂRIS.


La patrie et le toit natal, l’amour pieux
De mes parents courbés par l’âge soucieux,
Ces vénérables biens, ô blanche Tyndaride,
N’apaisaient plus mon cœur plein d’une flamme aride.
Ô fille de Léda, pour toi j’ai tout quitté.
Écoute ! je dirai l’auguste vérité.

Aux cimes de l’Ida, dans les forêts profondes
Où paissaient à loisir mes chèvres vagabondes,
À l’ombre des grands pins je reposais, songeur.
L’Aurore aux belles mains répandait sa rougeur
Sur la montagne humide et sur les mers lointaines ;
Les Naïades riaient dans les claires fontaines,
Et la biche craintive et le cerf bondissant
Humaient l’air embaumé du matin renaissant.
Une vapeur soudaine, éblouissante et douce,
De l’Olympe sacré descendit sur la mousse ;
Les grands troncs respectés de l’orage et des vents
Courbèrent de terreur leurs feuillages mouvants ;