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Leurs éperons étaient de bronze, et la lueur
De leur rouge voilure empourprait le carnage,
Et des rameurs, courbés sur le puissant sillage,
Ensanglantait la face et le torse en sueur.

Centenaires nochers de merveilleux périples,
Dont l’écume et le vent ont brûlé les sourcils,
Leurs pilotes, au front de neige, étaient assis
Sous l’image d’un dieu dardant des langues triples.

Et dédaigneux du gouffre et des flots soulevés,
Ne vivant plus que par leurs prunelles arides,
Ils laissaient voir, écrit dans leurs terribles rides,
L’inconnu fabuleux des océans bravés.

Mais, sous le disque ailé des Mages, dont émane
La gloire du dynaste akhéménide, encor
Plus effrayants étaient les Chefs écaillés d’or,
Ceux de Bactres et ceux de Suse et d’Ekbatane,

Qui debout sur le soc des étraves, haussant
Dans les glaives leurs fronts cerclés de la tiare,
Semblaient, vêtus de pourpre et de métal barbare,
Les vendangeurs sacrés de la vigne de sang.