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Les cavaliers de Toûr, dans leurs cottes étroites,
À l’ombre des chevaux en cercle agenouillés
Les naseaux dans le sable et les oreilles droites
Dorment sur leurs pavois que le sang a rouillés.

La tête sur l’arçon, le poing au cimeterre,
Harassés, lourds de meurtre, ils se sont assoupis ;
Et leurs longs javelots, la pointe dans la terre,
Montent dans l’air, pareils à de grêles épis.

Seule, en la vaste plaine uniformément nue,
Une tente de peaux de buffles et d’aurochs
Sur des épieux croisés se dresse, maintenue
Par des cordes de poil et des quartiers de rocs.

De sauvages toisons et des haillons farouches
Noircissent aux rayons du soleil carnassier,
Et sur le seuil, où siffle un tourbillon de mouches,
S’élève un pieu carré, garni de crocs d’acier.

Une tête d’un fer reluisant transpercée
Est clouée au milieu du poteau meurtrier :
La moustache est pendante et de sang hérissée ;
La mâchoire est roidie, et, comme pour crier,