Où donc le conquérant que précédaient naguères
Les chars de bronze et les étendards chevelus ?
Après les jours, les ans, les siècles révolus,
Comme il faut peu de place à l’oiseleur des guerres
Qui de son lourd sommeil ne s’éveillera plus !
Ses os dans le cercueil font la même poussière
Que les os des vaincus dans le sable roulant,
Et les vers de la tombe attachés à son flanc,
Tenaces fossoyeurs, de leur dent carnassière,
Ont dénudé l’horreur de son squelette blanc.
Retenez votre voix, car les faibles haleines
De vos lèvres pourraient, aux poudres du chemin,
Disperser ce qui fut le héros surhumain,
Et son talon de fer, qui fit trembler les plaines,
Est comme un peu de rouille au creux de votre main,
Éteignez la lueur des torches enflammées :
Ouvrez la porte grande aux rayons de l’azur,
Car le Maître est tombé dans le Shëol obscur ;
Ne craignez plus, vivants ! car le Roi des Armées
Ne peut plus même faire une ombre sur le mur. »
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