Tout ce qui l’habitait et la faisait vivante,
Innombrable et pareille à la forêt mouvante
Ouvrant son sanctuaire au jour épanoui,
Tout ce qui la hantait et laissait transparaître
Le visage du songe indéfini de l’être
S’est lentement, et par degrés, évanoui.
Le mirage affaibli des visions divines,
Qui s’éloigne en rasant les pentes des ravines,
Va retourner au sein de ses limbes voilés ;
L’orbe sacré du Monde antique est vide, et seule,
L’onduleuse torpeur des sables enlinceule
L’ampleur des horizons désormais dépeuplés.
Et déjà la Circé fatale, enchanteresse
Impie et douce, et qui se nomme ta détresse,
Au pied du tronc funèbre et morne va s’asseoir,
Et s’apprête à broyer, pour endormir ta peine,
Dans ses philtres subtils, la liqueur pure et vaine
Qu’instillent les pavots de ton vain désespoir.
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