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AU DIEU QUI S’ÉLOIGNE


 
Toi dont nous poursuivons, au profond de toi-même,
L’inconnaissable essence et la pure entité,
Que la crainte, la foi, l’amour et le blasphème
Nomment du même nom auguste et redouté,
Ô Dieu dont la présence autour de nous recule
Dans l’orbe incessamment élargi de nos cieux,
Chaque fois que pour nous s’allume, au crépuscule,
      Un astre nouveau pour nos yeux,

Devrons-nous donc, de ton image qu’on mutile,
Voiler, en fils pieux, le simulacre vain,
Et te rayer d’un mot, comme un terme inutile,
Du problème éternel dont nous voulons la fin ?
Devrons-nous, parvenus aux confins du possible,
Comprendre que notre âme est ton dernier linceul,
Et qu’au jour où ses sens auront vu l’invisible
      L’Homme en lui-même sera seul ?