L’intelligence hésite au bord de son domaine,
Quand la science neuve et qui s’éveille à peine
Vagit comme un enfant dans son humble berceau ?
Plus tard j’aurais vécu dans la cité future,
Dans le règne prévu du savoir à venir :
J’aurais été la voix qui formule et mesure
Les éléments de l’orbe où la vérité pure
Dans l’absolu du monde au monde ira s’unir.
Plus tard j’aurais vécu sans amour et sans haine,
Sans mépris pour des dieux qu’on n’adorera plus,
J’aurais, roi par l’esprit et la lyre hautaine,
Contemplateur serein de la nuit souterraine,
Eventré le tombeau des cycles révolus.
J’aurais, sur la misère immense de leur songe,
De l’équité promise allumé le flambeau,
Et pardonné, dans l’âme où ma justice plonge,
Sous les ténèbres d’or et de sang du mensonge,
À l’erreur qui fut grande, au rêve qui fut beau.
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