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LE VAISSEAU


 
Pour Madame Delarue-Mardrus.





Aujourd’hui notre terre est une nef, que guide
L’équipage invisible et muet à la fois
Des forces sans regards et des aveugles lois,
Et que couvre une foule anxieuse et timide.

Comme un troupeau bêlant, sous le tillac de fer,
Écoute gronder l’âme énorme du navire,
L’Humanité stupide en frémissant admire
Haleter, dans la nuit de l’implacable éther,

Tout l’inconnu sinistre et vague, que recèle
En ses flancs mugissants le vaisseau de granit,
De qui l’effort obscur emporte à l’infini
Sa vie où se confond la vie universelle.