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Nous, de qui la pensée a fixé l’existence
Dans l’immanente paix de l’unique substance,
Délivrés de la vie, affranchis du trépas,
Nous qui ne pouvons plus ni mourir ni renaître,
O Rêveurs d’Occident ! nous avons cessé d’être
Dès l’heure où nous avons su que nous n’étions pas.

Si, comme nous, bravant l’Apre foi de ta race,
Tu veux que l’être entier, qui fut le tien, s’efface
Dans l’instant éternel que ton rêve a conçu,
Ferme sur tes regards les deux portes du monde,
Et comprends, d’autant mieux que l’ombre est plus profonde,
Que tu n’as plus été dès l’heure où tu l’as su.

Comme un nageur vaincu par la fureur marine,
Qui croise ses deux bras lassés sur sa poitrine,
Et renonce à souffrir en cessant de lutter,
Repousse le servage affreux de l’espérance,
Pour qu’aux flots infinis sombre ton apparence,
Sans que d’elle jamais rien puisse remonter.