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Laisse ceux-là que la vaine lumière enivre
S’attarder à la lutte inutile, et poursuivre,
Dans le taillis vital que peuple un combat noir,
L’envahisseur muet dont l’approche tenace
Enveloppe, de son invisible menace,
La citadelle rouge où défaille l’espoir.

Si leur main patiente en s’effrayant décompte,
Dans le soir qui descend ou dans l’aube qui monte,
Chaque jour qui s’ajoute à leurs jours révolus,
C’est qu’ils ne savent pas, eux dont le doigt dénombre
Les moments d’une année et les ombres d’une ombre,
Que voici bien longtemps déjà qu’ils ne sont plus.

Si, pour leurs yeux que le regret stérile voile,
Les feuilles d’or bruni, dont la jonchée étoile
Les sentiers chauds et doux de leur précoce été,
Marquent la fuite obscure et la détresse intime
De la sève qui manque aux formes qu’elle anime,
C’est qu’ils ne savent pas qu’ils n’ont jamais été.