Elle passe, affouillant sa route séculaire,
Usant eu vains défis son obscure colère,
Déracinant les troncs échevelés, que mord
L’impuissance obstinée et triste de sa haine,
Sous l’indifférence sereine
De sept astres muets tournant au fond du Nord.
Elle va, nivelant le coteau, comblant l’autre,
Inconsciente des continents qu’elle éventre,
Des artères de l’or ou des veines du fer,
Ignorant quels sommets elle ronge à la base…
Sous son propre poids qui 1’écrase,
On croirait l’agonie informe d’une mer.
L’énorme fleuve court à l’abîme où l’emporte,
En de stridents remous noyés dans l’ombre morte,
La fatalité de l’aveugle pesanteur,
Où la masse des eaux oscillantes surplombe
Un instant le mur de sa tombe,
Et plonge d’un bond au gouffre dévorateur.
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